Si vous aimez vraiment la nature, vous trouverez la beauté partout. Vincent Van Gogh
Les présences sont là, mais ce qui
manque ce sont nos yeux. Qui la voit cette petite fougère prise dans une
branche épineuse ? Le vent la connaît, le vent lui parle.
Je ne pense pas que la nature
connaisse la solitude terrible dans laquelle nous pouvons nous trouver.
Je suis parfois soufflé par la conversation incessante du pré qui fait
face à la fenêtre devant laquelle j’écris. Je regarde, je n’entends
rien, la fenêtre est fermée, et quand bien même serait-elle ouverte,
aucune rumeur ne me parviendrait, mais je vois très bien l’agitation des
brins. Ils sont comme huilés par la lumière. Si j’avais le talent de
regarder à fond — un talent qui me manque trop souvent —, je verrais,
parce que je le sens, que chaque brin est différent du brin voisin. Ils
sont sans arrêt pris dans un événement. Dans l’événement de la brise, de
la pluie, dans l’événement des lumières qui vont, qui viennent, qui
s’affairent on ne sait trop à quoi, du jour qui s’en va, du froid qui
remonte de la terre. Est-ce qu’il y aura encore un autre jour ? Le pré
est rempli de mille questions qui sont sans impatience d’une réponse.
Quand j’écris avec la vision de ce pré, je suis devant le plus grand
concurrent qui soit. Je suis devant un maître écrivain, un des plus
grands poètes, qui n’a pas de nom, pas de visage, mais qui travaille
jour et nuit.
Il est possible que, par l’attention
aux choses menues, très simples, très pauvres, je trouve peut-être ma
place dans ce monde. Il y a quelque chose de la suave tyrannie des
techniques qui commence à être défaite dans un instant de contemplation
pure qui ne demande rien, qui ne cherche rien, même pas une page
d’écriture. La plupart du temps, je regarde, je ne note pas, je n’écris
pas. La contemplation est ce qui menace le plus, et de manière très
drôle, la technique hyperpuissante. Et pour une raison très simple,
c’est que les techniques nous facilitent la vie apparemment. Mais c’est
un dogme d’aujourd’hui qu’on ait la vie facilitée. Qui a dit que la vie
devait être facile et pratique ?
Christian Bobin
Nous sommes tous de enfants de la terre mais nous la pillons impitoyablement.
RépondreSupprimerOui Daniel, nous avons oublié l'essentiel, le respect de cette terre qui nous héberge et nous permet de vivre... Amitiés.
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