Le chaos est rempli d'espoir parce qu'il annonce une renaissance.
Coline Serreau
Voici un texte poignant de Coline Serreau qui ne mâche pas ses mots...
Dimanche 22 mars. Coline Serreau, réalisatrice de Trois hommes et un couffin, mais aussi de films visionnaires, écolos, humanistes et généreux comme La belle verte ou La crise.
LE MONDE QUI MARCHAIT SUR LA TÊTE EST EN TRAIN DE REMETTRE SES IDÉES A L’ENDROIT
"Le gouvernement gère l'épidémie comme il peut… mais les postures
guerrières sont souvent inefficaces en face des forces de la nature. Les
virus sont des êtres puissants, capables de modifier notre génome,
traitons-les sinon avec respect, du moins avec modestie.
Apprenons à survivre parmi eux, à s'en protéger en faisant vivre
l'espèce humaine dans des conditions sanitaires optimales qui renforcent
son immunité et lui donnent le pouvoir d'affronter sans dommage les
microbes et virus dont nous sommes de toute façon entourés massivement,
car nous vivons dans la grande soupe cosmique où tout le monde doit
avoir sa place. La guerre contre les virus sera toujours perdue, mais
l'équilibre entre nos vies et la leur peut être gagné si nous renforçons
notre système immunitaire par un mode de vie non mortifère.
Dans cette crise, ce qui est stupéfiant c’est la rapidité avec laquelle l'intelligence collective et populaire se manifeste.
En quelques jours, les français ont établi des rites de remerciement
massivement suivis, un des plus beaux gestes politiques que la France
ait connus et qui prolonge les grèves contre la réforme des retraites et
l'action des gilets jaunes en criant haut et fort qui et quoi sont
importants dans nos vies.
Dans notre pays, ceux qui assurent les
fonctions essentielles, celles qui font tenir debout une société sont
sous-payés, méprisés. Les aides-soignantes, les infirmières et
infirmiers, les médecins qui travaillent dans les hôpitaux publics, le
personnel des écoles, les instituteurs, les professeurs, les chercheurs,
touchent des salaires de misère tandis que des jeunes crétins arrogants
sont payés des millions d'euros par mois pour mettre un ballon dans un
filet.
Dans notre monde le mot paysan est une insulte, mais des
gens qui se nomment "exploitants agricoles" reçoivent des centaines de
milliers d'euros pour faire mourir notre terre, nos corps et notre
environnement tandis que l'industrie chimique prospère.
Et voilà
que le petit virus remet les pendules à l'heure, voilà qu'aux fenêtres,
un peuple confiné hurle son respect, son amour, sa reconnaissance pour
les vrais soldats de notre époque, ceux qui sont prêts à donner leur vie
pour sauver la nôtre alors que depuis des décennies les gouvernements
successifs se sont acharnés à démanteler nos systèmes de santé et
d'éducation, alors que les lobbies règnent en maîtres et arrosent les
politiques avec le fric de la corruption.
Nous manquons d'argent
pour équiper nos hôpitaux, mais bon sang, prenons l'argent où il se
trouve, que les GAFA payent leurs impôts, qu'ils reversent à la société
au minimum la moitié de leurs revenus. Car après tout, comment l'ont-ils
gagné cet argent ? Ils l'ont gagné parce qu'il y a des peuples qui
forment des nations, équipées de rues, d'autoroutes, de trains,
d'égouts, d'électricité, d'eau courante, d'écoles, d'hôpitaux, de
stades, et j'en passe, parce que la collectivité a payé tout cela de ses
deniers, et c’est grâce à toutes ces infrastructures que ces
entreprises peuvent faire des profits. Donc ils doivent payer leurs
impôts et rendre aux peuples ce qui leur est dû.
Il faudra
probablement aussi revoir la question de la dette qui nous ruine en
enrichissant les marchés financiers. Au cours des siècles passés les
rois de France ont très régulièrement décidé d'annuler la dette
publique, de remettre les compteurs à zéro.
Je ne vois pas
comment à la sortie de cette crise, quand les comptes en banque des
petites gens seront vides, quand les entreprises ne pourront plus payer
leurs employés qui ne pourront plus payer les loyers, l'électricité, le
gaz, la nourriture, comment le gouvernement pourra continuer à gaspiller
90% de son budget à rembourser une dette qui ne profite qu'aux
banquiers.
J'espère que le peuple se lèvera et réclamera son dû, à
savoir exigera que la richesse de la France, produite par le peuple
soit redistribuée au peuple et non pas à la finance internationale. Et
si les autres pays font aussi défaut de leur dette envers nous, il
faudra relocaliser, produire de nouveau chez nous, se contenter de nos
ressources, qui sont immenses, et détricoter une partie de la
mondialisation qui n'a fait que nous appauvrir.
Et le peuple l'a
si bien compris qu'il crie tous les soirs son respect pour ceux qui
soignent, pour la fonction soignante, celle des mères, des femmes et des
hommes qui font passer l'humain avant le fric.
Ne nous y trompons pas, il n'y aura pas de retour en arrière après cette crise.
Parce que malgré cette souffrance, malgré ces deuils terribles qui
frappent tant de familles, malgré ce confinement dont les plus pauvres
d'entre nous payent le plus lourd tribut, à savoir les jeunes, les
personnes âgées isolées ou confinées dans les EHPAD, les familles
nombreuses, coincés qu'ils sont en ville, souvent dans de toutes petites
surfaces, malgré tout cela, le monde qui marchait sur la tête est en
train de remettre ses idées à l'endroit.
Où sont les vraies valeurs ? Qu'est-ce qui est important dans nos vies ?
Vivre virtuellement ? Manger des produits issus d'une terre martyrisée et qui empoisonnent nos corps ?
Enrichir par notre travail ceux qui se prennent des bonus faramineux en gérant les licenciements ?
Encaisser la violence sociale de ceux qui n'ont eu de cesse d'appauvrir
le système de soin et nous donnent maintenant des leçons de solidarité ?
Subir une médecine uniquement occupée à soigner les symptômes sans se
soucier de prévention, qui bourre les gens de médicaments qui les tuent
autant ou plus qu'ils ne les soignent ? Une médecine aux ordres des
laboratoires pharmaceutiques ?
Alors que la seule médecine
valable, c’est celle qui s'occupe de l'environnement sain des humains,
qui proscrit tous les poisons, même s'ils rapportent gros. Pourquoi
croyez-vous que ce virus qui atteint les poumons prospère si bien ?
Parce que nos poumons sont malades de la pollution et que leur faiblesse
offre un magnifique garde-manger aux virus.
En agriculture, plus
on cultive intensivement sur des dizaines d'hectares des plantes
transformées génétiquement ou hybrides dans des terres malades, plus les
prédateurs, ou pestes, les attaquent et s'en régalent, et plus il faut
les arroser de pesticides pour qu'elles survivent, c’est un cercle
vicieux qui ne peut mener qu'à des catastrophes.
Mais ne vous
faites pas d'illusions, on traite les humains les plus humbles de la
même façon que les plantes et les animaux martyrisés.
Dans les
grandes métropoles du monde entier, plus les gens sont entassés, mal
nourris, respirent un air vicié qui affaiblit leurs poumons, plus les
virus et autres "pestes" seront à l'aise et attaqueront leur point
faible : leur système respiratoire.
Cette épidémie, si l'on a
l'intelligence d'en analyser l'origine et la manière de la contrer par
la prévention plutôt que par le seul vaccin, pourrait faire comprendre
aux politiques et surtout aux populations que seuls une alimentation et
un environnement sains permettront de se défendre efficacement et à long
terme contre les virus.
Le confinement a aussi des conséquences
mentales et sociétales importantes pour nous tous, soudain un certain
nombre de choses que nous pensions vitales se révèlent futiles. Acheter
toutes sortes d'objets, de vêtements, est impossible et cette
impossibilité devient un bonus : d'abord en achetant moins on devient
riches.
Et comme on ne perd plus de temps en transports
harassants et polluants, soudain on comprend combien ces transports nous
détruisaient, combien l'entassement nous rendait agressifs, combien la
haine et la méfiance dont on se blindait pour se préserver un vague
espace vital, nous faisait du mal.
On prend le temps de cuisiner
au lieu de se gaver de junk-food, on se parle, on s'envoie des messages
qui rivalisent de créativité et d'humour.
Le télétravail se
développe à toute vitesse, il permettra plus tard à un nombre croissant
de gens de vivre et de travailler à la campagne, les mégapoles pourront
se désengorger.
Pour ce qui est de la culture, les peuples nous
enseignent des leçons magnifiques : la culture n'est ni un vecteur de
vente, ni une usine à profits, ni la propriété d'une élite qui affirme
sa supériorité, la culture est ce qui nous rassemble, nous console, nous
permet de vivre et de partager nos émotions avec les autres humains.
Quoi de pire qu'un confinement pour communiquer ? Et pourtant les
italiens chantent aux balcons, on a vu des policiers offrir des
sérénades à des villageois pour les réconforter, à Paris des rues
entières organisent des concerts du soir, des lectures de poèmes, des
manifestations de gratitude, c’est cela la vraie culture, la belle, la
grande culture dont le monde a besoin, juste des voix qui chantent pour
juguler la solitude.
C’est le contraire de la culture des
officines gouvernementales qui ne se sont jamais préoccupées d'assouvir
les besoins des populations, de leur offrir ce dont elles ont réellement
besoin pour vivre, mais n'ont eu de cesse de conforter les élites, de
mépriser toute manifestation culturelle qui plairait au bas peuple.
En ce sens, l'annulation du festival de Cannes est une super bonne nouvelle.
Après l'explosion en plein vol des Césars manipulés depuis des années
par une maffia au fonctionnement opaque et antidémocratique, après les
scandales des abus sexuels dans le cinéma, dont seulement une infime
partie a été dévoilée, le festival de Cannes va lui aussi devoir faire
des révisions déchirantes et se réinventer. Ce festival de Cannes qui
déconne, ou festival des connes complices d'un système rongé par la
phallocratie, par la corruption de l'industrie du luxe, où l'on expose
complaisamment de la chair fraîche piquée sur des échasses, pauvres
femmes porte-manteaux manipulées par les marques, humiliées, angoissées à
l’idée de ne pas assez plaire aux vieillards aux bras desquels elles
sont accrochées comme des trophées, ce festival, mais venez-y en jeans
troués et en baskets les filles, car c’est votre talent, vos qualités
d'artiste qu'il faut y célébrer et non pas faire la course à qui sera la
plus à poil, la plus pute !
Si les manifestations si généreuses,
si émouvantes des peuples confinés pouvaient avoir une influence sur le
futur de la culture ce serait un beau rêve !
Pour terminer, je
voudrais adresser une parole de compassion aux nombreux malades et à
leurs proches, et leur dire que du fin fond de nos maisons ou
appartements, enfermés que nous sommes, nous ne cessons de penser à eux
et de leur souhaiter de se rétablir. Je ne suis pas croyante, les
prières m'ont toujours fait rire, mais voilà que je me prends à prier
pour que tous ces gens guérissent. Cette prière ne remplacera jamais les
soins de l'hôpital, le dévouement héroïque des soignants et une
politique sanitaire digne de ce nom, mais c’est tout ce que je peux
faire, alors je le fais, en espérant que les ondes transporteront mon
message, nos messages, d'amour et d'espoir à ceux qui en ont besoin."
Coline Serreau
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Cette pandémie est en train de changer le monde, il est sur que après plus rien ne sera comme avant, on ne pourra plus revenir à l'ancien système, il faudra s'habituer à consommer local, à ne pas trouver sur les étals ces fruits et légumes exotiques qui parcourent de milliers de kilomètres pour venir sur nos tables.
RépondreSupprimerAmicalement
Claude
Oui tout à fait, et il faut qu'il y ait un changement radical et durable de notre comportement vis à vis de la planète, de nos habitudes et de notre rapport à la vie... Amitiés, Séverine.
SupprimerPuisse les gens s'en tenir à acheter et manger et visiter la France en priorité
RépondreSupprimerLocavore est un signe d'aide à son pays quand on l'aime et après cette épreuve il faudra aider tous ceux qui oeuvrent pour la France
La nature a aussi besoin de nous protégeons-là
Bonne soirée
Oui, il faudra de la solidarité, une protection de la nature efficace et un changement radical de nos comportements. Ce qui manque dans ce monde est avant tout la compassion pour tous les êtres vivants car nous sommes tous interconnectés... Bonne soirée
SupprimerCe cri du coeur est SPLENDIDE, merci à toi de le partager. J'ai mis en lien hier au soir après l'avoir regardé, le merveilleux film La belle verte, le propos de Coline Serreau me touche particulièrement. MERCI MERCI MERCI, ce sont ces mots et ces pistes qui changeront notre monde, ils sont précieux. Bises printanières. brigitte
RépondreSupprimerMerci beaucoup Brigitte. Parfois un chaos peut faire germer l'espoir, peut faire grandir les âmes et les cœurs...
SupprimerAmitié, Séverine
Il est sûr que cette pandémie apprendra à vivre et à consommer autrement par la suite … les rapports aux personnes ne seront plus pareils mais espérons qu'ils gagneront en respect, en savoir vivre, en reconnaissance, en solidarité et aussi en intelligence de sauvegarde de notre Terre …
RépondreSupprimerDouce soirée avec les meilleures pensées ch'tis !
Nicoel
Chaque personne qui contribue à améliorer les choses et prendre conscience est importante. Il y a tant à faire et tant de cœurs à ouvrir. Je vous souhaite une excellente soirée, Séverine.
SupprimerMerci pour votre passage chez moi.
RépondreSupprimerBonne journée !!!
Je vous remercie et vous souhaite un excellent après-midi.
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