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lundi 6 janvier 2020

Yoko la jument 3 L'impossible galop

"L'être humain est une partie du tout que nous appelons univers, une partie limitée par le temps et l'espace. Il fait l'expérience de lui-même, de ses pensées et de ses sentiments comme des événements séparés du reste, c'est là une sorte d'illusion d'optique de sa conscience. Cette illusion est une sorte de prison pour nous car elle nous restreint à nos désirs personnels et nous contraint à réserver notre affection aux personnes qui sont les plus proches de nous. Notre tâche devrait consister à nous libérer de cette prison en élargissant notre cercle de compassion de manière à y inclure toutes les créatures vivantes et toute la nature dans sa beauté."
Albert Einstein


Yoko la jument 3

L'impossible galop 

Les jours s'allongent doucement. Février nous donne de la brume, du froid, et parfois un peu de soleil. Yoko est là, survivante, vivante, son corps qui était décharné est devenu celui d'une jument qui croit à l'amour, à l'avenir...

Il y a encore les chutes, les longues manœuvres pour nous avec des cordes pour la relever, de temps à autre le vétérinaire en urgence pour un oèdème , une blessure due à une chute.

Les autres animaux apprécient Yoko avec qui ils sont d'une infinie douceur. Shambhala, la jument leader du troupeau, est protectrice avec elle.

Il y a encore des promenades dans la forêt, pour muscler les membres et permettre de retrouver les sensations du mouvement... Yoko adore ces moments en pleine nature, avec nous... Le pas est lent, il y a des arrêts pour brouter un peu, sentir l'appel des bois.

Quelque chose ce matin-là nous dit: "C'est le moment".

Yoko attend devant le portail du pré.

Elle secoue sa crinière dans le vent d'hiver.

Elle renâcle. Et je la trouve belle, si belle... Elle gratte avec son sabot la terre encore un peu gelée. Et je me dis que je suis folle. Elle me regarde, intensément. Je me dis, nous sommes aussi folles l'une que l'autre.

 

J'ouvre le portail. Shambhala, la frisonne, relève sa tête massive. Elle a senti l'importance de cet instant. Yoko entre dans le pré.

Elle marche, telle une funambule de la vie. Elle a jeté au loin ses souvenirs de jument mourante, ses souffrances, sa maladie, sa jambe qui avait été brisée.

Et elle s'arrête, tourne son encolure vers moi.

Et là, elle part au galop. Shambhala la rejoint aussitôt. Et tous les autres, à la même seconde, s'immobilisent, et d'un coup, démarrent une sarabande. A chaque fois qu'un sabot martèle le sol, c'est comme un grondement, comme un torrent, une promesse puissante qui veut dire: 

"Bienvenue à toi Yoko, nous t'accueillons dans notre monde, toutes nos forces veulent se mêler à ta force, nous allons partager les secrets du même vent, les ivresses des mêmes galops sous les nuages. Que notre course puisse nourrir ta course. Que nos joies puissent faire grandir ta joie. Nous, petit peuple de la prairie, nous sommes toi, et tu es nous. Notre galop n'est qu'un galop, un seul fait de nous tous. Nous sommes chevaux, poneys, âne, vaches, chèvre, mouton, alpagas, nous sommes les brumes, les nuages, la lune argentée, nous sommes les vents, nous sommes les chants d'oiseaux, les frémissements des branches. Nous sommes ce galop."

"Yoko, nous sommes amour. Regarde, nos jambes ont aussi soufferts, nos souffrances sont devenues des forces. Nous t'attendions, si pure, nous attendions ta lumière, celle qui tapie loin derrière ta douleur, cherchait à te donner la vie... "

Yoko s'est mise à courir, de plus en plus vite, ses crins fouettant l'air. Les autres l'accompagnaient, ruaient de joie, tous dans l'ivresse de cette cavalcade. Même les vaches sont venues apporter leur joie au même rythme. Toutes et tous à l'unisson dans la même danse, dans la même transe. Une course, une respiration, une communion, une magie...

 
Yoko trotte dans le pré, avant de partir au galop avec ses amis


Puis, l'allure s'est ralentie.

Yoko s'est ébrouée.

Chacun est resté dans cette magie, et je me suis rendue compte que je pleurais.

Lorsque j'ai caressé sa crinière, j'avais l'impression d'être avec une fée.

Je l'ai ramenée dans la cour, sous le regard tendre de tous les autres. Et j'ai su alors qu'elle guérirai...

 

6 commentaires:

  1. Terriblement touchant ...merci pour ce partage...

    Je suis arrivée chez vous par le blog de Colibri, Eowin et Pâquerette =^.^=

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    1. Je vous remercie. Yoko vit toujours avec nous, elle est splendide et pleine de vie... Je vous souhaite une excellente soirée.

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  2. Réponses
    1. Merci beaucoup... Yoko est toujours avec nous, je ferai régulièrement des articles sur ce blog. C'est une jument merveilleuse, pleine de vie, d'amour et d'énergie. Elle qui était agonisante, savoure chaque instant. Je vous souhaite une excellente soirée.

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  3. La lecture de ton texte m'amène une larme à moi aussi.
    Yoko est très belle.
    Bravo pour ton soutien quotidien à cette superbe jument.

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    1. Je te remercie. Yoko n'avait quasi aucune chance de survie lorsque nous avons effectué son sauvetage. A présent elle est guérie, pleine d'amour et de joie. Elle nous a donné une grande leçon de sagesse, de courage et de résilience. Et, malgré ses 26 ans, elle profite à fond de la vie, ses amis, les balades en forêt en longe, les crapahutages dans le pré, les câlins... Bref, du bonheur...

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